[Blue] Yachting
Entretien avec Claire Ferandier-Sicard par Sabina Aliyeva de Rosemont pour Sowl Initiative
Claire est dans le monde du yachting depuis plus de 7 ans et elle travaille en tant que Chief Stewardess sur différents yachts. Il y a quelques années suite à un concours JCE qu’elle gagne, elle décide de créer sa société, ETYC. Elle accompagne et forme à Monaco les equipages des yachts aux gestes « Blue ». Elle travaille en partenariat avec la mission énergétique de Monaco et développe de nombreux projets.
Comment vous est venue cette idée ?
J’ai grandi en Guadeloupe et lorsque je venais en Métropole, vers Bordeaux, je ne me rendais pas compte de l’état de la Méditerranée. J’ai pu constater le niveau de la pollution plus tard en voguant avec les yachts et le premier déclic a été lors d’une traversée pour aller en Grèce. Je décide alors de noter dans le livre que j’étais en train de lire, les déchets que je voyais dans l’eau tout au long de la croisière. Puis d’autres moments m’ont tout autant surpris : un jour je remplaçais une Stewardesse sur un autre yacht que celui dont j’ai l’habitude et je remarque qu’ils utilisent encore des gobelets en plastique pour le café. Ils ne se rendaient pas compte que c’est un risque de pollution . Sachant qu’un bateau ça bouge, il y a souvent du vent, ces gobelets pourraient tomber dans l’eau par inadvertance, de même pour une bouteille d’eau en plastique. Or les études pointent des conséquences directes sur l’environnement des yachts.
J’ai donc décidé d’agir. J’ai commencé par faire des recherches sur les formations qui existaient pour les équipages, et s’il y en avait sur les bonnes pratiques à bord en matière d’écologie. Comme cela n’existait pas j’ai décidé de le créé. Je me suis d’abord formée à la norme ISO14001 qui est la plus accessible puis je me suis inspirée du Système de management environnementale pour en créer un spécialement adaptable à l’environnement instable qu’est un yacht. J’ai donc créé un « Système de Management Environnemental ETYC » très facile à mettre en place et adaptable à chaque département du bateau.
Comment avez-vous pu convaincre les propriétaires ? Sont-ils réfractaires ?
Au contraire, il y a plusieurs aspects que nous mettons en avant. D’abord, nos solutions permettent de réduire les coûts à long terme pour les armateurs, ensuite, nous leur faisons également gagner de l’espace à bord car il y a moins de stockage à faire, et enfin le service pour l’armateur reste haut de gamme, et nous leur offrons une nouvelle expérience. D’un autre côté, l’équipage aussi y gagne notamment du temps, car moins d’achats engendre moins de temps pour aller faire les course, pour les ranger et les stocker. L’avantage que nous avons, est que la nécessité de protéger les océans n’est plus à prouver. Nous savons tous que nous devons changer, nous n’avons pas besoins de les convaincre sur ce sujet. Nous devons simplement leur expliquer que les changements que nous apprenons à l’équipage ne rendra pas le service mauvais ou leur bateau low-cost, bien au contraire. Le luxe green ça existe et nous le prouvons.
Pourquoi personne n’y a pensé avant ?
Mettre en place de nouveau process prend du temps, du moins au départ. Le plus gros travail est celui de recherche, comment remplacer ça ou ça, trouver des solutions. La première réflexion qui se fait à bord est celle-ci « j’aimerais changer ma façon de travailler mais je ne sais pas par quoi commencer ». Nous leur apportons des solutions non seulement concrètes en terme de matériel et technologie mais également en terme d’actions et de réflexions. Sur le moment, ils n’y pensent pas car ils sont dans le « rush » des priorités, des travaux maintenance du bateau, etc et donc vont vers la facilité, la routine de travail.
Néanmoins, ils comprennent vite le bénéfice, une fois que tout est mis en place, et bien évidemment l’impact positif sur l’environnement et sur la mer.
La plaisance va-t-elle de pair avec l’écologie ?
Il n’y a aucune raison que cela n’aille pas ensemble. Les yachts ne représentent qu’1% des bateaux et ce ne sont pas les principaux polluants mais ce sont les principaux acteurs financiers de la mer pouvant créer des innovations technologiques impressionnantes et donner l’exemple aux plus petits bateaux. Les grands chantiers type Oceanco ou Lurssen mettent en place des nouveaux procédés, pour des bateaux moins polluant en co2, moins gourmands en énergie et ces installations devraient, selon moi, aller de pair avec le comportement de l’équipage. D’autres sociétés ont développé des initiatives dans ce sens tel que Yacht Carbon offset. Le concept aide l’industrie des super yachts à contrebalancer son impact environnemental : le calcul de CO2 émis par les yachts permet à compenser en développant des énergies non polluantes, c’est la compensation carbone. Dans le Yachting il y a une course à l’innovation et elle va dans le sens de la réduction de la pollution et de l’impact sur l’environnement.
Nous nous devons d’agir ensemble, d’associer la technologie aux comportements humains à bord.
Quel est la prochaine étape au-delà de la formation ?
Je crois en la certification et j’ai créé un PAVILLON ETYC permettant de certifier que le yacht audité respecte les mesures préconisées suite à la formation. De plus en plus de capitaines sont sensibles à cette démarche et nous sommes là pour les accompagner.
Retrouver Claire Ferandier-Sicard et son équipe ETYC www.etyc.fr