[Leadership] Portrait
by Pascale Caron
Entretien avec Karine Marro-Guffanti
Karine Marro-Guffanti est la propriétaire de nombreux établissements à Nice passant de l’emblématique Grand Balcon, au Bistro Chic Marcel, à La boulangerie Jeannot et la plage La Vela : une femme d’affaire inspirante qui n’est pas là par hasard et j’ai eu envie de présenter son parcours hors du commun.
Quand je suis allée lui proposer l’interview, sa 1re réaction a été «pourquoi moi ? Je donne juste à manger aux gens ! ». Mais vous verrez vite que je ne m’étais pas trompée.
Karine est issue d’une famille du métier, son grand-père était boulanger (Jeannot), son père (Marcel) était le propriétaire de l’emblématique Moorea. Elle est quasiment née derrière le comptoir d’un restaurant, le Magnan à Nice, à l’époque. À 18 ans, son bac en poche, il a fallu choisir un métier : une grande école de commerce ou bien la restauration. Le choix était ouvert, elle en avait les capacités. Finalement elle choisit en premier, l’école hôtelière Maxime à Paris. Pour parfaire son éducation, elle décide de partir à Lausanne et finit ses études à l’école Bluche en section anglaise. Ses études finies elle devient directrice commerciale de 2 hôtels Hilton à Londres, Park Lane et Terminal 4. Mais quand Marcel lui demande de rentrer en France et de venir le seconder au Moorea, son restaurant de spécialité poissons port de st Laurent du var, elle quitte Londres, les vacances étaient finies !
Pas facile de se faire une place auprès d’un patron aussi emblématique que Marcel, qui peut vous fusiller d’un seul regard. Si elle apprend beaucoup à son contact, à 24 ans elle décide de créer son propre restaurant en association, Le Karina. Cette première aventure se termine par un échec. Mais elle s’en est relevée avec brio et elle a tiré des enseignements fondateurs pour le reste de sa carrière : le travail est la clef de tout.
Comment s’est présentée l’opportunité du Grand Balcon ?
C’est papa qui a trouvé le local à côté de l’opéra pour établir mon restaurant : mais si l’emplacement était prestigieux, l’endroit était totalement à refaire, une ancienne taverne,« un vrai taudis ». Par hasard au Moorea, je discute avec deux clients qui viennent déjeuner avant de prendre l’avion et je leur parle de mon projet de restaurant. Je réfléchissais à haute voix sur la déco : Je voudrais une décoration cosy, j’en ai marre de ces restaurants ouverts, blancs et sans charme, je veux l’hôtel Coste ! Quelle ne fut pas ma surprise quand mon interlocuteur se présenta : enchanté Jacques Garcia, et voici mon bras droit. (NDLR. Jacques Garcia est le décorateur de l’hôtel Coste à Paris !). Ni une ni deux, je leur offre leur addition et je les embarque dans ma voiture direction Nice pour visiter le restaurant et il accepte de me dessiner le projet.
C’était il y a 20 ans, et la décoration n’a pas changé elle est intemporelle. Le restaurant est ultra-cocooning, très bien insonorisé. On a fait un malheur au lancement, le restaurant ne désemplissaient pas, les gens essayaient par tous les moyens d’avoir une table. L’affaire était lancée !
Parle-moi du leadership, comment as-tu appris ton rôle de Leader ?
Essentiellement sur le tas, mais tu dois l’avoir au fond de toi: avoir envie de donner aux autres . Pour moi, la qualité première pour être un vrai leader, c’est aimer donner plutôt que de recevoir. En tant que femme dans ce monde d’homme à 95% il faut avoir une main d’acier dans un gant de velours.
Pour amener l’équipe d’un point A à un point B il faut travailler toute en rondeur et en douceur, mais avec fermeté. Tu te perfectionnes au fil des années.
Moi qui suis allée souvent au Grand Balcon, je vois qu’il y a une constance dans ton équipe : En effet, le directeur travaille depuis 25 ans pour moi, il a démarré comme barman. Le chef est la depuis 12 ans. Svetlana travaille ici depuis 18 ans, elle était rentrée comme commis de salle. Une personne qui connaît ta manière de travailler, qui connait l’entreprise, qui est moulée à ma manière d’être vaut de l’or. Il faut toujours les motiver et les faire progresser : tu ne peux grandir que par le travail et que si tu es bien secondée et si tu arrives à transmettre.
Qu’est ce qui t’a amenée à ouvrir d’autres lieux ?
Tout d’abord le challenge et l’envie de se dépasser et de se prouver que je n’étais pas seulement la fille de.
En 2015 je cherchais un autre restaurant, on était en euphorie, le grand Balcon ne désemplissait pas, on refusait du monde. J’avais adoré le bistrot de Lignac à paris et j’ai décidé d’ouvrir, Marcel, Le bistrot chic, dans le vieux Nice. Je me suis entourée d’une équipe de confiance : Katie travaille avec moi depuis 20 ans ; le chef était un second du grand Balcon. Les process sont rodés et écrits, c’est une petite structure plus facile à gérer.
D’où vient l’idée du projet boulangerie ?
Pour la boulangerie le local se libère, il est bien placé juste à côté du grand Balcon et je décide de l’acheter, mais je n’avais pas encore décidé quoi faire. C’était avant l’attentat de Nice, c’était l’insouciance, les banques nous ont suivis. Mon père me propose de faire une boulangerie. Je n’y connaissais rien, mais je me suis formée. J’ai appliqué les codes de la restauration en ne faisant que du sur place, du frais, de la tradition, la vraie boulangerie. Je lui donne le nom de mon papy : Jeannot, une grande personnalité qui a émigré d’Italie par le col de tende à pieds en 1940 en plein Mussolini.
Donc cet empire n’est déjà pas facile à gérer et en 2020, tu rajoutes un nouveau challenge La Vela, la plage sur l’emblématique promenade des anglais à 2mn du Negresco
La plage c’est un rêve de petite fille. À l’époque, je regardais la série « L’hôtel de la plage » le samedi chez mes grands-parents. La plage c’est l’art de vivre, le bonheur, tu lâches tout, l’ambiance est nonchalante. On a ouvert après le premier confinement et le succès a été au rendez-vous les gens avaient besoin de lâcher-prise. Elle était belle, mais elle a été détruite par la tempête le week-end juste avant la date que j’avais prévue pour le démontage. Heureusement qu’on avait réussi à déménager Totor (NDLR. La sculpture de Stéphane Bolongaro) le jeudi, car il serait surement en Sardaigne. On a sauvé Totor ! On a été rasés, mais ce n’est pas grave, on la reconstruira, elle sera encore plus belle.
Pour gérer ces nouveaux endroits, il faut une équipe ?
On a une personne qui gère le RH. Je mets toujours dans un endroit quelqu’un que je connais en qui j’ai confiance et qui a été formé au Grand Balcon : ma pépinière de talent. Si la personne a envie d’évoluer, elle commence au grand Balcon et pourra être positionnée ensuite sur un autre lieu.
Et après tout ces challenges vient le covid !
Oui le covid c’est l’enfer, d’autant que j’avais démarré un nouveau challenge : depuis peu j’ai repris la restauration du théâtre de Nice, le Petit Balcon, juste avant le second confinement. Finalement mon nouveau challenge est de sortir de cette crise « saine et sauve » et on va y arriver j’en suis sure.
Quelles sont les personnes qui t-on inspirées dans ta carrière ?
Bien sûr, mon grand-père mon père. Sinon je lis beaucoup, sur les chefs d’entreprises et je quand une idée me parait bonne je la range dans un coin de mon cerveau et j’y repense, quand j’en ai besoin, des fois même la nuit.
Aurais-tu un livre à nous conseiller ?
Je lis de tout, du point à l’express, de Ken Follet à Catherine Pancol et aussi Harlan Coben : son dernier est très bien !
Pour terminer quelle est ta devise ?
Toujours se dépasser, ne jamais abandonner, rien n’est impossible !