Des filles, du softball et du football de Gaza à Dakar
Entretien avec Laura Layousse, fondatrice de LEGA PACE.
Laura, parlez nous déjà de vous, vous êtes un savant mélange de plusieurs cultures, à 33 ans vous avez eu plusieurs vies et des projets ambitieux pour votre pays de naissance, le Sénégal, voulez-vous nous en dire plus ?
En effet, j’ai la chance d’être riche de cultures : libanaise d’origine, Sénégalaise de naissance et de foyer et française non seulement par amour mais aussi parce que mes deux pays d’origine ont un attachement fort avec la France qui m’a été transmis tout au long de mon enfance et j’ai par la suite fait mes études à Paris ainsi que la majorité de ma jeune carrière dans la communication. Je me suis rendu compte que ce mélange de cultures est une richesse car il m’a permis d’évoluer dans une industrie (la mode et le luxe) globale où j’ai très vite pu m’adapter, non seulement au rythme que celle- ci impose, mais surtout à la variété des interlocuteurs.
Après une expérience en bureau de Presse multimarques (Totem Fashion) puis plusieurs années chez Ralph Lauren au service presse (respectivement Home et mode masculine), je me mets à mon compte et je collabore avec des personnes très dynamiques, traductrices de culture : Blackrainbow Agency. Je découvre ainsi l’approche « du tout est possible » et une volonté très forte de faire bouger les lignes, de perturber des ordres et des normes aujourd’hui caduques. Leur approche de la communication m’a permis de me poser des questions essentielles, existentielles même, sur les normes que les sociétés nous inculquent/ imposent et sur les frontières et limites que l’on se créent. De cette réflexion naîtra une envie différente d’aborder le quotidien et la vie en générale, plus engagée, plus consciente et plus ancrée dans le temps. Très vite, je crée une structure associative.
Racontez-nous l’origine de Lega Pace ? Quelle est son histoire ?
Tout commence en octobre 2017, à la suite de la lecture d’un article dans le journal Le Monde qui relate de jeunes femmes qui jouent au softball dans la bande de Gaza avec une balle de tennis et des battes fabriquées par un menuiser. Je suis frappée par leur courage car les femmes et les petites filles ont le droit d’effectuer une activité sportive seulement sous autorisation parentale et dans le cadre de leurs études. C’est un monde radicalement différent de celui dans lequel j’ai grandi où mon père, d’origine Palestinienne, m’a répété tout au long de ma vie qu’une fille pouvait tout accomplir.
Je décide donc d’aider ces jeunes filles pour qui le champ des possibles en interne et en externe est réduit au néant et qui malgré tout à force de créativité réussissent à s’entraîner tous les jours. Je contacte le journal Le Monde pour avoir un moyen de parler à leur entraîneur et dans la foulée la Fédération Française de Baseball et de Softball. A partir de là, une cascade de rencontres merveilleuses et bienveillantes nous permet d’envoyer plusieurs centaines kilos d’équipements sportifs à l’attention des filles mais aussi des garçons qui aujourd’hui forment la fédération Palestinienne de Baseball et Softball que j’ai eu l’honneur d’accompagner depuis maintenant 3 ans et fait partie grâce à tous les efforts communs de la Fédération Internationale de Baseball et Softball (grâce à qui j’ai pu fournir plusieurs fois du matériel à l’équipe). Pour concentrer tous ces efforts, je créée l’association en juillet 2018 avec dans son nom une évocation à l’union de toutes ces personnes qui ont rendu les choses possibles, la ligue. Ce sera donc Lega Pace.
En quoi le sport est-il vecteur de valeurs d’éducation, d’autonomisation des femmes et de liberté d’entreprendre ?
Déjà en tant que femme, je pense que l’activité physique est primordiale pour la compréhension de son corps durant ce passage compliqué qu’est l’adolescence. Le sport aide à construire la confiance en soi et la résilience. Deux valeurs importantes dans le monde dans lequel on vit. Au-delà de cela, il est vecteur de joie, il aide à former une communauté à travers l’esprit d’équipe et peut aussi représenter un refuge par rapport à des violences culturelles ou au sein de leur foyer …
Vous avez aujourd’hui, après un premier succès, un second projet au Sénégal cette fois-ci, parlez nous en . Comment la covid a-t-elle affecté le projet ou changer votre façon de l’aborder?
Il était vital pour moi pour moi de rendre au Sénégal une part de ce qu’il m’a donné. Au-delà de la richesse culturelle, un sentiment de foyer, de maison et de sécurité primordial pour une petite – fille de migrant. J’avais entendu parler d’une organisation qui s’appelle Ladies Turn dirigée par trois femmes dont le but est d’apporter le football pour les filles dans les écoles et d’utiliser celui-ci comme vecteur d’égalité entre les sexes. Après avoir rencontré Seyni, sa fondatrice et présidente – elle-même ancienne footballeuse de la sélection sénégalaise, nous souhaitons organiser un tournoi de football féminin au Sénégal pour les 10 ans de Ladies Turn. Tournoi qui réunirait des filles de Paris et sa banlieue, de Gambie, d’Égypte. Plusieurs objectifs en tête comme la promotion du foot féminin et la construction de pont culturels et sportifs entre différentes communautés. La covid 19 bien sûr chamboulé nos projets et nous a poussé à nous demander comment apporter notre soutien et faire un réel impact dans la vie de jeunes filles au Sénégal. A l’issu de nos échanges, ressort une école élémentaire de jeunes filles dans la régio de Saint Louis. Son histoire, un cadeau d’une femme au ministère de l’éducation avec une seule requête qu’elle soit exclusivement dédié aux filles nous séduit immédiatement. Après plusieurs échanges avec la directrice de celle-ci, il parait évident que la crise dû à la Covid-19 a affecté le pouvoir d’achats des familles pour qui le coût des fournitures et manuels scolaires peut-être dissuasif. Nous mettons donc au point des kits de sponsorings qui incluent les manuels scolaires, les fournitures, l’équipement sportif, les tenues de foot ainsi que les cours de football hebdomadaires afin d’ôter aux familles cette charge budgétaire. Il est bien entendu question de nous impliquer personnellement à travers de déplacements mensuels, de création d’ateliers avec d’autres écoles et surtout une vision à long terme pour cette école.
De quoi avez-vous besoin pour faire aboutir votre projet ? Comment peut-on vous aider ?
Il y a plusieurs moyens de nous venir en aide : en faisant un don sur notre site ou directement sur HelloAsso (liens ci-dessous) ou alors de me contacter pour des dons matériels (manuels scolaires, cahiers, cartables, équipement sportifs) et bien entendu en parler au maximum de personnes susceptibles de nous aider à permettre à ces 350 petites filles d’effectuer leur rentrée après une année si mouvementée.
Sites internets: https://fr.legapace.com
Dons: https://www.helloasso.com/associations/lega-pace/formulaires/2