Entretien avec Emilie Madi,
au cœur du Liban
Août 2020
Madi, vous êtes photographe d’origine libanaise, vivant à Montréal… quel a été le déclic de revenir au Liban ?
Je venais souvent au Liban mais cette-fois ci je suis arrivée début Octobre pour mon exposition de photo et la révolution a commencé, et depuis!
Par rapport aux pays que vous avez parcourus, qu’est-ce qui vous frappe le plus au Liban ?
Comme d’autres, on a quitté le Liban quand j’avais 10 ans et vécu dans différents pays avant d’atterrir à Montréal pour plusieurs années. Mes parents allaient souvent au Liban et à chaque fois de plus en plus longtemps. Je venais de temps en temps, passé l’été, Noël, etc. Je me posais souvent la question si un jour je m’installerai au Liban.
Arrivée en Octobre pour mon expo, la situation a fait que je ne suis toujours pas partie. Mon vernissage était le 21 octobre et la révolution s’est déclenchée le 17 et sans hésitation, j’ai ressenti la nécessité de prendre ma caméra, documenter les événements et les partager avec le monde.
Cette fois ci c’était différent, j’ai senti qu’on était tous unis, les jeunes, les vieux, toutes les religions, on était tous unis sous un même chapeau, le libanais! J’ai senti que je devais être là, vivre et partager ça, et que je voulais faire partie de ce mouvement/changement.
De tous les pays, il y a toujours une attirance envers le Liban, où que l’on soit, on est affecté par ce qu’il se passe et on se sent impliqué, on ne le quitte jamais en fait. Il y a une histoire, une énergie, et une résilience qu’on ne trouve pas ailleurs, et même après tout ce qu’on a vécu, on vit pleinement et on a la joie de vivre.
Quel message voulez vous faire passer au monde ?
Le Liban et son peuple est l’un des plus résilient que je connaisse et je ne dis pas ça parce que je suis libanaise. Après toutes les guerres et les occupations que le Liban a vécu, il trouve toujours la force de se redresser, de se reconstruire, et d’être un pays que le monde veut visiter et adore.
Comment aider la reconstruction du Liban quel est le plus urgent ?
Pour reconstruire le Liban, l’important est qu’on s’unisse, chacun avec ses forces et ses connaissances, pour petit à petit remettre de l’ordre et un sens de normalité. Il y a plusieurs aspects qui sont aussi important l’un de l’autre dont trouver des logements pour ceux qui n’en ont plus, nourrir le peuple qui ont été touché par la bombe et de plus avec la crise n’avait plus les moyens, et surtout nettoyer et reconstruire l’héritage du Liban.
Voyez vous la Femme libanaise plus forte qu’avant ? Quel message voulez vous faire passer aux femmes ? Voyez vous un changement de mentalité depuis la révolution ?
La femme a toujours été forte et impliquée dans la lutte du peuple. Pendant cette révolution, c’est l’union de toutes ces femmes vers un même but qui a amplifié leur voix. Le message que je voudrais leur passer et de ne pas perdre espoir et de garder leur feu animé.
Le changement politique est indispensable, mais le Pays est basé sur le Confessionalisme et une Grande corruption.
Quel message voulez vous faire passer à la classe politique ? Et à la très grande diaspora libanaise ? Et quelle est la Priorité?
J’ai été témoin et j’ai fait des reportages de plusieurs évènements, quelques-uns magnifique et d’autres atroces. Je préfère ne pas me lancer dans des débats politiques mais j’espère qu’on trouvera une solution pour le Liban sans la corruption habituelle, une où la qualité de vie est plus importante que le besoin de chacun et sans l’avidité des membres du gouvernement existant. J’espère que le peuple n’acceptera plus de vivre comme on a vécu ces dernières 30 années et que le mouvement ne perdra pas de momentum.
Vous avez sorti un livre rassemblant les photos de la révolution en décembre dernier pouvez-vous nous en dire plus ?
Je voulais créer un ouvrage pour commémorer les 55 premiers jours de cette magnifique Révolution, différente de toutes les autres, avec tout le monde uni sous un même drapeau. Un livre que tout le monde pourrait garder chez eux en souvenir de ceux qu’ils ont vécu. Il y avait une énergie à nul autre pareil et pour le symboliser, le livre est réparti en plusieurs thèmes associés à des émotions différentes (la fureur, la femme, l’espoir, la voix, le soulèvement pacifique) .
“Ce livre est une célébration de la flamme qui brûle en chacun de vous et refuse de s’éteindre »
Le photographe nous met le doigt sur ce que nous ne voyons pas ou ne voulons pas voir, vous êtes en tant que photographe, indispensable à la pleine conscience collective, Comment pouvons-nous vous soutenir ?
le mieux est de continuer à partager l’info, les images et les vidéos, pour que le monde soit au courant de ce qu’il se passe et que plus rien ne passe inaperçu.
Dernière question…quel est votre cliché favoris du « libanais »?
Qu’on mange tout le temps et que du taouk et du hummus…..
Instagram emiliemadiphotographer